La Cour de cassation semblait opter pour une interprétation plutôt restrictive de la notion de « circonstances particulières » puisqu’elle n’en donnait, à notre connaissance, aucune illustration avant un arrêt du 5 septembre 2018. Or, la liquidation du régime matrimonial légal n’est, bien entendu, pas toujours égalitaire, les époux pouvant notamment revendiquer des créances ou récompenses de part et d’autre.
Dans le présent arrêt, la Cour de cassation confirme cette jurisprudence et fournit une nouvelle illustration de la notion de « circonstances particulières » : l’existence d’une indemnité d’occupation mise à la charge d’un époux, celle-ci étant de nature à rompre l’égalité entre les droits respectifs des parties dans la liquidation.
L’arrêt du 5 septembre 2018 susvisé et le présent arrêt du 17 octobre 2019 sont bienvenus car ils permettent de tenir compte de la situation patrimoniale réelle des époux, et non uniquement théorique. La solution semble moins radicale que celle tendant à considérer que la liquidation du régime de communauté aboutit, par principe, à une égalité de droits entre les époux, ce qui s’avère en pratique assez rare. Elle apparaît, au demeurant, logique et conforme au texte.
Cette illustration s’inscrit, par ailleurs, dans l’esprit des évolutions législatives récentes incitant les époux à préparer la liquidation de leur régime matrimonial le plus tôt possible en demandant notamment au juge du divorce, sur le fondement de l’article 267 du Code civil, de statuer sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux en cas de désaccords subsistant entre les parties. Cette possibilité est encore élargie dans le cadre de la nouvelle procédure de divorce qui permet désormais aux époux d’apporter la preuve de ces désaccords et, ainsi, de former cette demande liquidative à tout moment de la procédure.
Le débat relatif aux droits de chacun dans la liquidation du régime matrimonial tend donc à se recentrer devant le juge du divorce. Cela pourrait-il conduire, un jour, à contraindre les époux à révéler leurs intentions au moment de la procédure de divorce et à rejeter, au stade de la liquidation, les prétentions qui n’auront pas été revendiquées au stade du divorce ? La Cour de Cassation ne va pas encore aussi loin mais des évolutions jurisprudentielles et législatives sont à surveiller dans ce domaine.